Que retenir de la loi "3DS" pour les communes et intercommunalités ?

Baptisée initialement "loi 4D", les premiers travaux sur cette loi ont débuté à la fin de l’année 2020. La loi a finalement été promulguée le 21 février dernier sous l’intitulé "3DS" soit « différenciation, décentralisation, déconcentration et mesures de simplification de l'action publique locale ».  

3DS

Si ses dispositions n’entrainent pas de bouleversements majeurs notamment en matière de décentralisation, la loi 3DS apporte toutefois de nouvelles règles et prérogatives à connaître pour les communes et les intercommunalités. 

Renforcer le rôle des communes et des intercommunalités dans la transition écologique et dans la politique de l’habitat social

Contrairement aux volontés initiales de créer une compétence pour les intercommunalités, la transition écologique a fait l’objet de plusieurs mesures visant à améliorer les interventions des communes et des intercommunalités dans ce domaine. 

  • Participation aux projets d’énergies renouvelables sur leurs territoires. Les communes et les EPCI pourront accorder des avances à des sociétés d’énergies renouvelables jusqu’à hauteur de 15 % de leurs recettes réelles de fonctionnement annuelles au total (contre 5 % précédemment). Cela permettra à plus de communes et EPCI, notamment ruraux, d’investir et d’être pleinement impliqués dans des projets solaires, éoliens et de méthanisation. 
  • De nouvelles règles pour les projets d’installation d’éoliennes sur leur territoire. Depuis la loi Climat et résilience d’août 2021, les maires de la commune d’implantation et des communes limitrophes sont informés d’un projet d’éolienne avant le dépôt de la demande d’autorisation. Le conseil municipal de la commune d’implantation peut faire part de ses observations aux porteurs de projets qui lui doivent une réponse sous un mois. La loi 3DS prévoit que les élus locaux pourront inscrire dans leur plan local d’urbanisme des secteurs et règles encadrant l’implantation d’éoliennes, justifiés par la nécessité de tenir compte des espaces naturels et des paysages, de la qualité urbaine patrimoniale et paysagère et du voisinage des zones habitées. A cet effet, l’article L. 151-42-1 du code de l’urbanisme est créé. 
  • Dérogation à l’obligation de financer au moins 20 % des projets favorables à la biodiversité au sein d’un site Natura 2000 terrestre. Cette mesure est réservée aux communes de moins de 3 500 habitants ou aux groupements de moins 40 000 habitants pour qui ces investissements peuvent être disproportionnés au regard de leur capacité́ de financement.
  • Transfert possible du droit de préemption des terrains aux abords des captages d’eau. La loi 3DS permet de transférer le droit de préemption à des syndicats mixtes et des entreprises publiques locales. Des obligations réelles environnementales applicables à ces zones de captage permettront de maintenir un usage agricole tout en garantissant la préservation de la ressource à très long terme.

Quant au volet habitat, outre la création de la notion d’autorité organisatrice de l’habitat pour les intercommunalités volontaires, des ajustements ont été opérés. 

  • Sur le modèle des autorités organisatrices de la mobilité, la loi 3DS propose aux intercommunalités volontaires d’agir en tant qu’autorités organisatrices de l’habitat (AOH), par arrêté du préfet de région pris après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH). Pour cela, elles doivent être dotées d’un programme local de l’habitat exécutoire et d’un plan local d’urbanisme intercommunal approuvé, et être signataires d’une convention intercommunale de mixité sociale et d’une convention de délégation de l’État visée à l’article L. 301-5-1 du code de la construction et de l’habitation. 
  • Conforter l’obligation de construction de logements sociaux. La loi 3DS permet de pérenniser l’objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux en supprimant l’échéance de 2025. Elle fixe de nouveaux objectifs de rattrapage triennaux à partir de 2023, en inscrivant un taux de rattrapage de base à 33 % du déficit. Les communes n’atteignant pas leurs objectifs continueront d’être prélevées et, le cas échéant, carencées, tant que le taux cible ne sera pas atteint. 
  • La création du contrat de mixité sociale. Signé entre le maire, le président de l’intercommunalité et le préfet, il détermine les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs de rattrapage de logements sociaux en fonction de la situation et des difficultés de la commune. Les objectifs inscrits dans ce contrat se substituent à ceux qui auraient autrement été fixés par la loi. Leur respect conditionnera ainsi l’engagement de la procédure de carence d’une commune. 

La procédure d’élaboration et d’approbation de ces contrats est déconcentrée. Elle relèvera désormais exclusivement du préfet de département qui appréciera les circonstances locales justifiant d’une adaptation des objectifs. 

Un tel contrat peut être signé pour trois périodes triennales maximum. Par dérogation, les communes de moins de 5 000 habitants et celles qui ont entre 30 et 50 % de leur territoire inconstructible n’ont pas de limite de durée. 

Tableau SRU 

  • Modernisation de l’attribution des logements sociaux. Les communes et leur intercommunalité qui en ont déjà l’obligation auront 8 mois pour signer une conventionintercommunale d’attribution (CIA) qui fixe aux bailleurs sociaux les objectifs d’attributions pour les ménages aux revenus modestes en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Dans le cas contraire, l’intercommunalité pourra fixer à chaque bailleur et réservataire les objectifs correspondants. À défaut, chaque bailleur se verra assigner l’objectif légal d’attribuer au moins 25 % des logements en dehors des QPV aux 25 % les plus modestes. 

 

Des souplesses accordées aux compétences exercées : la différenciation dans les intercommunalités

Si de nouvelles attributions ont été ouvertes pour les intercommunalités, quelques souplesses ont été accordées pour leurs compétences obligatoires sous la forme d’ajustements. 

  • L’accompagnement au transfert des compétences eau et assainissement. Si le principe du transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes a été conservé, il est accompagné à plusieurs titres :

- de nouvelles dérogations au principe selon lequel le budget général ne peut abonder les budgets annexes y afférents :

      • lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ;
      • pendant la période d’harmonisation des tarifications de l’eau et de l’assainissement après la prise de compétence par l’intercommunalité à fiscalité propre ;

- quand préexistent des syndicats de communes compétents entièrement inclus dans le périmètre de l’intercommunalité (« infracommunautaires »), le principe est désormais celui de leur maintien, sauf si la communauté de communes délibère dans le sens contraire ;

- dans l’année qui précède le transfert obligatoire, au 1erjanvier 2026, des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement des eaux usées, les communes membres et leur communauté de communes organisent un débat sur la tarification des services publics d’eau et d’assainissement des eaux usées et sur les investissements liés aux compétences transférées à l’intercommunalité. Son président détermine, en lien avec les maires, les modalités de ce débat et convoque sa tenue. À son issue, ils peuvent conclure une convention approuvée par leur organe délibérant respectif. Cette convention précise les conditions tarifaires des services d’eau et d’assainissement des eaux usées sur le territoire de la communauté de communes, en tenant compte notamment du mode de gestion du service, des caractéristiques des réseaux ainsi que des coûts de production, de traitement et de distribution. Elle détermine les orientations et les objectifs de la politique d’investissement sur les infrastructures. Elle organise les modalités des délégations de compétences aux communes qui en feraient la demande à compter du 1erjanvier 2026.

  • La différenciation en matière de voirie. Dans les communautés urbaines créées après la loi du 12 juillet 1999 et les métropoles de droit commun, la compétence en matière de voirie communale, qui demeure par principe obligatoire, peut faire l’objet :

- de la définition d’un intérêt communautaire, ce qui permet aux communes d’être à nouveau compétentes sur une partie des voies. 

- d’une délégation aux communes membres concernant la gestion de tout ou partie des équipements et services nécessaires à l’entretien de la voirie intercommunale.

Au-delà de cette logique d’ajustements, le périmètre même de deux compétences obligatoires est modifié.

  • La différenciation en matière de tourisme. L’exception introduite pour les communautés de communes par la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019 concernant la compétence de promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme, est étendue à l’ensemble des intercommunalités : désormais, y compris dans les communautés d’agglomération et urbaines et les métropoles, les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme peuvent demander à en retrouver l’exercice.
  • La compétence cimetière et sites cinéraires. Cette compétence des communautés urbaines voit son libellé légal aligné sur celui des métropoles de droit commun dans une logique de continuité : « création, gestion, extension et translation des cimetières et sites cinéraires d’intérêt communautaire ainsi que création, gestion et extension des crématoriums » (article L. 5215-20 du CGCT). 

Au-delà des souplesses apportées à des compétences essentiellement obligatoires, la loi 3DS complète également les modalités volontaires de transfert ou de délégation de compétence.

  • La différenciation dans les transferts de compétence. La loi 3DS ouvre la possibilité aux communes qui le souhaitent d’aller plus loin dans l’intercommunalisation, sans contraindre toutes les communes du territoire à faire de même. Elle permet ainsi à une ou plusieurs communes de transférer à son EPCI tout ou partie d’une compétence facultative. 
  • Les délégations de compétence de l’EPCI vers le département ou la région. Les communes, les départements et les régions peuvent se déléguer l’exercice de tout ou partie de leurs compétences. La compétence est alors exercée au nom et pour le compte de la collectivité délégante. 

Cette possibilité de délégation n’était pas ouverte aux intercommunalités, qui ne sont pas des collectivités mais des groupements de communes. La loi 3DS leur ouvre la possibilité de déléguer aux départements et aux régions leurs seules compétences transférées par les communes – à l’exclusion des compétences qui leur sont attribuées par la loi. Cette délégation devra être approuvée à l’unanimité par les conseils municipaux des communes membres. 

 

Des mesures pour améliorer la revitalisation des territoires 

  • Les opérations de revitalisation rurale. À ce jour, 278 opérations de revitalisation rurale couvrant 22 % des intercommunalités ont été signées. Avec la loi 3 DS, il sera possible de conclure plusieurs opérations de ce type sur un même EPCI, dès lors qu’elles couvriront au moins une commune ayant fonction de centralité. L’objectif est de couvrir un maximum de communes notamment les plus rurales. 

L’intervention d’opérateurs en matière de revitalisation commerciale sera également facilitée. Les collectivités pourront conclure des concessions de revitalisation commerciale permettant aux opérateurs d’assurer un équilibre économique des projets de restructuration sur un plus long terme.

  • Les biens sans maîtres et les biens en état d’abandon manifeste. La loi 3DS apporte deux modifications quant à la procédure de récupération des biens vacants et sans maîtres : 

- Lorsqu’un bien est sans maître à la suite d’une succession, les communes pourront lancer la procédure au bout de 10 ans contre 30 ans actuellement. Cette mesure concerne les territoires couverts par une opération de revitalisation des territoires, une grande opération d’urbanisme, les quartiers de la politique de la ville et les zones rurales. 

- Cette procédure est également ouverte pour les biens dont le propriétaire n’a pas payé sa taxe foncière pendant 3 ans au moins. Cette mesure sera rendue fonctionnelle en permettant aux communes de saisir les directions départementales des finances publiques qui pourront délivrer les informations utiles à la collectivité pour mettre en œuvre la procédure. 

Un bien en état d’abandon manifeste est un bien non entretenu. Les communes peuvent imposer des travaux d’entretien pour éviter sa détérioration et préserver l’attractivité d’un secteur. Faute d’entretien, elles peuvent conduire une expropriation simplifiée. La loi 3DS permet désormais aux communes d’appliquer cette procédure sur l’ensemble de son territoire et non uniquement sur le centre-ville. Elles peuvent également transférer cette compétence à l’intercommunalité. 

  • L’attention portée sur les chemins ruraux. Afin de protéger le patrimoine des communes et en particulier les chemins ruraux, la loi 3DS suspend la prescription trentennale par laquelle une appropriation de fait pouvait être invoquée par des riverains. Cette suspension de la prescription est toutefois conditionnée au recensement par la commune de ses chemins. Une délibération comprenant un tableau récapitulatif est suffisante. 

L’échange ou le décalage de chemins ruraux, en vue de conduire des projets d’intérêt général, sont désormais autorisés selon une procédure simplifiée, à condition de garantir la continuité du chemin et sa qualité, notamment en matière de maintien de la biodiversité. Cette procédure est désormais codifiée à l’article L. 161-10-2 du code rural et de la pêche maritime.

Enfin, le régime des contributions spéciales défini à l’article L. 141-9 du code de la voirie routière est renforcé pour les chemins ruraux (art. L. 161-8 du code rural et de la pêche maritime).

Pour le compte de la fédération des communes forestières, Idémios a réalisé un guide pratique à destination des élus pour la gestion de la voirie rurale notamment le régime des chemins ruraux. Avec ses fiches pratiques, il apporte une aide concrète aux décideurs locaux. Vous pouvez le consulter ici.

 

Les autres mesures de simplification et de transparence

  • Géolocalisation des adresses. Grace à la loi, les communes alimenteront une base nationale des adresses qui permettra de géolocaliser chaque habitation. Cette base de données sera disponible en open data et réutilisable par tous. 

La loi consacre expressément la compétence du conseil municipal pour dénommer les voies. 

  • Recours à la visio-conférence. Les assemblées délibérantes des intercommunalités pourront recourir de manière pérenne à la visio-conférence. La réunion physique des assemblées délibérantes sera obligatoire au moins deux fois par an. L’élection du président, de la commission permanente ou encore le vote du budget ne pourront être effectués dans le cadre d’une réunion en visio-conférence. 
  • Transparence des établissements publics locaux. La loi 3DS renforce la transparence des entreprises locales, dans lesquelles les collectivités locales détiennent des participations (contrôle des collectivités membres du conseil d’administration sur les prises de participation directes et indirectes des EPL, renforcement du rôle des commissaires aux comptes, …). 
  • Prévention des conflits d’intérêts. La loi 3DS clarifie quant à elle les règles de prévention des conflits d’intérêt applicables aux élus qui représentent leur collectivité dans une structure tierce. Les élus désignés par leur collectivité pour participer aux organes de décision d’une autre personne morale (une association, un établissement public, une société, etc.) ne pourront être considérés, du seul fait de cette désignation, comme ayant un intérêt, lorsque la collectivité ou le groupement délibèrera sur une affaire intéressant la personne morale concernée. 

Ils devront toutefois se déporter lorsque l’assemblée délibèrera sur l’attribution à cette personne morale d’un contrat de la commande publique, d’une des aides financières listées par la loi et notamment d’une subvention ou sur leur propre désignation ou rémunération. Cette obligation de déport ne concernera pas les délibérations relatives aux relations avec les groupements de collectivités, les caisses des écoles, les centres communaux d’action sociale. Elle ne s’appliquera pas non plus au vote du budget ou de dépenses obligatoires. 

 

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